Les risques physiques et la non-assurabilité en France

18/02/2025

L'année 2024 a été la troisième plus coûteuse depuis 1980 en termes de sinistres climatiques. Les aléas climatiques ont engendré des pertes mondiales estimées à 140 milliards de dollars pour les assurances, soit une augmentation de 17 % par rapport à 2023, qui était déjà en hausse de 17 % par rapport à la moyenne des dix années précédentes. Face à la multiplication des événements climatiques extrêmes, la question de l'assurabilité devient cruciale.

Une année 2024 marquée par des coûts records

L'année 2024 a été la troisième plus coûteuse depuis 1980 en termes de sinistres climatiques. Les aléas climatiques ont engendré des pertes mondiales estimées à 140 milliards de dollars pour les assurances, soit une augmentation de 17 % par rapport à 2023, qui était déjà en hausse de 17 % par rapport à la moyenne des dix années précédentes. Face à la multiplication des événements climatiques extrêmes, la question de l'assurabilité devient cruciale. 

Comment continuer à couvrir des zones toujours plus exposées aux aléas climatiques ? L'État doit-il redevenir le payeur en dernier ressort ? Comment mieux anticiper et agir plutôt que réagir ?

Si l'adaptation à ces phénomènes est essentielle, il est tout aussi primordial de développer des stratégies d'atténuation en amont.

Définitions des termes clés

  • Les "aléas climatiques" ou encore "évènements climatiques" sont définis par le GIEC comme la survenance potentielle d'événements ou de tendances physiques liés au climat susceptibles de causer des dommages et des pertes.

  • L'assurabilité est définie comme ce qui peut être assuré, garanti par une compagnie d'assurance. Par conséquence, la "non-assurabilité" fait référence à ce qui ne peut pas être assuré.

  • Les risques physiques associés au changement climatique résultent des impacts causés par les phénomènes météorologiques et climatiques dont la fréquence et l'intensité sont modifiées par le changement climatique. Ces phénomènes, dits aléas climatiques, peuvent être des événements extrêmes ou des évolutions progressives, et l'ampleur de leur évolution dépendra des émissions futures de gaz à effet de serre (GES).

Ainsi, l'évaluation de ces risques repose sur trois facteurs :

  • L'aléa climatique : probabilité d'occurrence et intensité du phénomène
  • L'exposition : niveau d'exposition des infrastructures et populations
  • La vulnérabilité : capacité de résilience face à l'aléa

Les effets du changement climatique sur l'assurabilité

Le rapport Langreney - Le Cozannet - Merad identifie plusieurs aléas climatiques ayant un impact direct sur l'assurabilité :

  • Sécheresse (RGA - Retrait et Gonflement des Argiles) : Intensification des périodes sèches, augmentation de l'évaporation et expansion des zones affectées
  • Inondations : Hausse des précipitations intenses, modification de l'humidité des sols, évolution des débordements fluviaux
  • Submersions marines : Élévation du niveau de la mer, modification des tempêtes
  • Cyclones : Intensification des cyclones, augmentation de ceux à intensification rapide
  • Tempêtes : Influence encore limitée en France métropolitaine
  • Grêle : Augmentation de la taille des grêlons
  • Pertes agricoles : Vagues de chaleur, sécheresses prolongées, grêle affectant les cultures

Quel bilan pour les assurances aujourd'hui ?


Quel bilan dans le monde ?

Entre 1970 et 2010, les catastrophes naturelles sont passées de 50 à 200 par an, soit une multiplication par 4. Parallèlement, leur coût annuel moyen en dollar constant a plus que doublé :

  • 24 milliards de dollars par an dans les années 1970

  • 211 milliards par an dans les années 2010

Les pertes économiques totales ont atteint 320 milliards de dollars en 2024, contre 286 milliards en 2023, soit une hausse de 19 %. Les chiffres dans le détail :

  • Les aléas comme les tremblements de terre, ouragans, grêle, les inondations ou les incendies ont causé des pertes totales de l'ordre de 140 milliards de dollars, dont environ 67 milliards de dollars seulement étaient assurés. 
  •  Les cyclones ont causé 135 milliards de pertes, dont 52 milliards de dollars assurés (les cyclones Helene et Milton cumulent 41b$)
  • En Europe, les inondations à Valence, en Espagne, ont causé des pertes de 11 milliards de dollars, dont 4,2 milliards assurés
  • Les incendies de Californie début 2025 s'annoncent déjà les plus coûteux de l'histoire de l'Etat.

Quel bilan en France ?

En France, le coût des sinistres climatiques est passé de 1 milliard d'euros par an dans les années 1980 à environ 3 milliards d'euros constant par an aujourd'hui.

Les projections à l'horizon 2050 sont alarmantes :

  • +110 % d'augmentation des coûts pour les inondations

  • +130 % pour les crues éclair

Le surcoût projeté pour 2050 en France est estimé à 23,8 milliards d'euros.

  • 17,2 milliards liés à la sécheresse,

  • 6,5 milliards aux submersions marines,

  • et 3,1 milliards aux inondations​.


Comment les assureurs s'adaptent-ils ?

Face à ces évolutions, les assureurs adoptent plusieurs stratégies :

1. Difficultés de modélisation des risques

Les actuaires, dont le travail repose sur l'analyse des tendances passées, sont confrontés à une variabilité accrue des aléas climatiques, remettant en question leurs modèles. Le risque est de :

  • Fixer un prix inadapté aux assurances

  • Ne pas couvrir suffisamment les risques, menaçant la solvabilité des assureurs

2. Retrait des assurances de certaines zones

De plus en plus de compagnies d'assurance se retirent des zones jugées trop risquées :

  • C'est le cas dans les zones où le risque d'inondation est quasiment certain

  • C'est également le cas aux États-Unis, où plusieurs compagnies ont choisi de ne plus assurer la Floride contre les inondations et la Californie contre les incendies de forêt ;

  • en Australie, où, en raison de l'élévation du niveau de la mer, aucun contrat d'assurance pour les biens immobiliers résidentiels ne couvre le risque de submersion ;

  • ou encore en Italie et en Hongrie, où les risques sismiques sont parfois jugés inassurables.

  • En France aussi, ce phénomène est observable, notamment dans les DOM-TOM, où de nombreux assureurs se sont retirés, mais aussi en métropole, où, depuis une vingtaine d'années, l'assurance des forêts ne couvre plus certaines zones considérées comme trop risquées, en particulier sur le pourtour méditerranéen.

3. Hausse des tarifs et segmentation des risques

  • Augmentation des primes d'assurance habitation

  • Segmentation accrue : les assurés les plus exposés paient davantage, accentuant les inégalités

  • Exploration de nouvelles sources de financement comme les obligations catastrophes

Exemple : le cas de la Californie

Juste avant les incendies qui ont frappé la Californie en janvier 2025, les autorités américaines ont statué sur la question de l'assurabilité.

Face à la multiplication des catastrophes climatiques dans l'État, plusieurs grands assureurs ont quitté le marché, dénonçant des coûts trop élevés et une réglementation inadaptée. Pour y remédier, la Californie a mis en place une réforme visant à restructurer son système d'assurance habitation.

Une réforme réglementaire

Désormais, les assureurs peuvent intégrer les frais de réassurance dans leurs tarifs et s'appuyer sur des modèles prédictifs pour évaluer les risques. En contrepartie, ils doivent proposer une couverture proportionnelle à leur part de marché, y compris dans les zones à haut risque.

Des mesures complémentaires

Le plan prévoit également de limiter l'impact des catastrophes naturelles survenues dans d'autres États et d'uniformiser la méthodologie de calcul des tarifs afin d'éviter les abus. Cependant, ces ajustements devraient entraîner une hausse des primes, même pour les régions moins exposées.

L'objectif est de responsabiliser chaque État : "Par exemple, assurés et assureurs ne seraient plus contraints de couvrir les conséquences de désastres provenant d'autres régions, comme les tornades récurrentes du Midwest."

La Californie cherche ainsi un équilibre entre attractivité pour les compagnies d'assurance et accessibilité pour les habitants. Si ce modèle pourrait inspirer d'autres États, il soulève également des inquiétudes quant à son impact financier pour les clients.

Aussi, souhaiter responsabiliser chaque Etat connait ses limites quand on sait que le changement climatique impact l'intégralité du globe.

Pour aller plus loin: https://www.argusdelassurance.com/assurance-dommages/habitation/assurance-habitation-comment-la-californie-veut-endiguer-l-inassurabilite.234014

Vers une stratégie d'atténuation

Si l'adaptation est indispensable, il est tout aussi nécessaire d'intégrer une stratégie d'atténuation pour réduire les risques en amont. Cela implique :

  • Une meilleure planification territoriale pour limiter l'exposition aux aléas

  • Des investissements dans des infrastructures résilientes

  • Une coopération renforcée entre assureurs, pouvoirs publics et citoyens

  • L'établissement d'une stratégie d'atténuation cohérente avec des investissements responsables

L'évolution des modèles assurantiels est un défi majeur dans un monde où les risques climatiques s'intensifient.


Les sources : 

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